Ok. Putain. Ça va mieux d’un coup. T’es content de toi là, tellement que tu pourrais retourner boire un petit verre ou deux. T’as même réussi à éviter tes godasses. Enfin… de ce que tu en vois dans la faible lueur que laisse filtrer les lampadaires noirs de crasse de la ruelle où t’es allé déverser ton repas liquide. T’as ton nouveau copain qui doit taper la discute avec son canasson, de ce que tu entends plus loin et tu te frottes la bouche en soupirant. Tu tangues un peu, te rattrape au mur, fronce les sourcils parce que, peut-être, ça va te donner la force de te repousser de ton appui et revenir vers ton taxi équin.

Un. Deux. Trois. Non, oula ça tourne trop. Attendre un peu. « CAPITAINE ! C’EST QUOI TON NOM ? » Mais putain, il est en train de se battre avec son cosaque ou bien ? Est-ce que toi tu as vraiment envie d’aller te porter au secours d’un cheval, espèce honnie parmi la multitude ? Tu tousses pourtant et après un nouveau moment tu retournes vers ton bonhomme haut-perché pour voir qu’il est accompagné. « Cosaque ou Bazac.. non ? » Le gars tout noiraud a pas l’air super sympa mais en te voyant t’accrocher à l’émissaire, il n’a pas l’air bien à l’aise. Tu plisses des yeux pour fixer son unité. Oh. Bien, un gars de chez toi. Tu lui tapotes l’épaule gentiment. « Capitaine ! » Tu opines un moment, puis t’as un moment de réflexion très intense, tes sourcils se tricotent. « Attends… c’moi le cap’taine ? » Oui. Oui, Tioma, c’est toi. Le douanier t’observe avec un air étrange. « J’lui parle à lui. » Tu pointes du doigt ton nouveau pote. Le douanier n’a pas l’air bien dans ses bottes, tu lui retapotes l’épaule. « T’inquiète pas. On va passer gentiment. » Il sait plus quoi faire le pauvre, il a l’air tellement mal que ça te rappelle que t’as encore de l’alcool en toi et qu’il pourrait finir sur ses bottes. « Hein cap’taine ? » Tu tapotes le cheval, comme s’il pouvait te comprendre, avec ses petits yeux méchants.

La claque sur ta main et la remarque te fait retirer ta mimine aussi vite que si Balzac avait vraiment essayé de t’en coller une. Tu fusilles du regard la placide bête – on sait tous que plus c’est calme, plus ça cache des choses, hein ? T’es trop occupé à tes remarques mentales pour faire attention à ce que l’autre ahuri là-haut peut bien raconter – est-ce qu’il raconte seulement quelque chose ? Aussi quand il te dit de parler moins fort, tu clignes plusieurs fois des yeux, hébété. « Mais j’ai rien dit moi. » Tu couines. Ou alors est-ce que tu avais dit tout haut ta haine de Balzac ? Ce cheval t’était vraiment antipathique, avec son regard fourbe, sa robe pas tout à fait noire, son air hautain. Tu rajoutes plus bas – pas vraiment parce que tu es tellement rond que chuchoter est devenu compliqué. « Tu crois qu’on est suivis ? Le douanier il a peut-être eu peur pour toi. » Tu opines doucement, tu as complétement oublié qu’il te ramenait chez toi et vous dépassez plusieurs fois des embranchements familiers. « On va où déjà ? Parce que je crois que chez moi c’était avant. C’est le cheval qui t’inhume en erreur ? » Tu agites la main frénétiquement vers la direction supposée de ton logis. « Il est aussi perfide que Malchance. Moins que Treize quand même. »