Elle arrive. Elle a déjà vu son visage à plusieurs reprises, échanger quelques mots... Mais rien de concret jusqu'à maintenant. La directrice la salue avec respect et protocole, ce que lui renvoie Yeva avec le même savoir-faire. Plus modestement, dû à une contrainte corporelle... Quand elle l'invite à la suivre, elle la suit. Laissant son chauffeur et le personnel de l'orphelinat s'occuper des pâtisseries. Les deux femmes arrivent dans une petite bibliothèque, ou un salon de lecture. La Romanov est quelque peu circonspecte en voyant les deux enfants s'enfuir en les voyants. Ont-ils peur ? Sont-ils impressionnés par la venue d'un adulte inconnu.. ? Elle connaît si peu les enfants, elle qui n'a jamais pensé à en avoir sérieusement, et ce malgré son rôle de femme dans la famille royale... Une pensée qui peux paraître archaïque, mais tous dans sa famille doivent penser à sa pérennité. Au fond, son mariage ne diffère pas tant des autres, poussé par raison et pragmatique...
Suite à son invitation, elle prend place en la remerciant, assez soulagée. Le poids de son ventre se fait de plus en plus lourd au fil du temps... Cependant ses gestes restent calculés pour garder grâce et constance. Peut-être afin d'enclencher la discussion dans les règles, son hôte s'enquiert de son état et de celui d'Ilya. Et avant qu'elle n'est même le temps de répondre quoi que ce soit, Orphédia précise que sa requête n'a rien de méprisant ou de rancunier. Yeva y a bien pensé, un instant, mais elle a l'air sincère. Elle repense à ce qu'il s'est passé, ce qu'ils ont échangé comme paroles. Elle n'arrive toujours pas à situer le ressentiment et l'avis de son interlocutrice, mais répond simplement, dans un léger soupir,
« - Je vous remercie… Je vais bien, je m'inquiète seulement. La Russie vit des heures sombres... Mon époux garde la foi malgré les épreuves, il m'inspire courage et force »
Ce ne sont pas des paroles en l'air, c'est lui qui l'a encouragé à agir, sans même y penser. Même quand il se voit déposséder de tous ses biens, il continue à rester droit. Elle le supporte et il la supporte, comme une équipe, comme ils se le sont dit quand ils ont convenu de leur mariage. Un enfant arrive pour leur apporter du thé. Yeva est un peu surprise mais remercie poliment l'enfant en prenant sa tasse. Est-ce là une bonne éducation, l'a-t-il fait de lui même ? Ou obéit-il sagement ? Elle ne saisit pas bien mais ne s'attarde pas dessus. Elle n'a pas le temps de retourner la question que la directrice demande la raison de sa venue. Il est vrai qu'il est préférable d'aller à l'essentiel sans courbettes et une fausse discussion amicale. Parce qu'elles ne sont point amies. Elle repose avec prudence sa tasse, levant les yeux vers elle,
« - Le Grand Rêve. Je ne sais si laisser les membres de l'Intolérante partir ainsi soit une bonne idée, les garder en groupe aurait permis de mieux les surveiller. Mais il faut avouer qu'ils ont déjà ces puces.. Et également que je préfère largement ce sort à une exécution froide. »
Payaient-ils cependant assez pour leurs crimes ? Elle ne le savait pas, l'idéal aurait été un jugement pour chaque membre, en fonctions de leurs fautes, mais ce n'était pas de son ressort.
« - L’idéal de ce groupe est assez séduisant, et nécessaire surtout ! Il me semble... Mais j'imagine qu'il en était de même pour les âmes s'étant engagé dans les sectes. Qu'est-ce qui différencie Le Grand Rêve de l'Intolérante et du Culte de Hel ? Si ce n'est la direction de l'idéologique. »
Elle s'arrête un instant, préférant aller au fond des choses et avouer son ressentit. Crever l’abcès maintenant si elles venaient à collaborer plus tard?
« - Je n'ai... Aucune confiance en vous. Je n'ai jamais compris la décision de feu notre Tsar de vous avoir délégué à vous et à vos collègues autant de pouvoir. Pour moi ça n'a entraîné que de plus belle la chute de la confiance des citoyens. Et jusqu'à maintenant, je n'ai pas l'impression que vous ayez fait quoi que ce soit de bon pour Moscou. Sauf aujourd'hui, avec ce groupe. Peut-être suis-je trop naïve, mais j'ai envie d'y croire. Ou bien est-ce par désespoir.. »
Oui, elle veut sincèrement y croire. Mais quelles garanties a-t-elle.. ?